Ecriture Passion par Patrick

Mémère « la petite », c’est la grand-mère de maman. Ca fait… notre arrière grand-mère je crois.

En vrai, elle s’appelle  Irma. Elle connait Dieu mémère. Elle est copine avec.

Elle sait tout. Elle nous dit les Péchés véniels, péchés capitaux, les commandements, les miracles... Bref, Irma en connait plus sur la religion que Jésus lui-même je crois.

On l’appelle « mémère la petite », en raison de sa taille surement.

A toutes les occasions, Noel, pâques, Anniversaire, et  les bonnes notes à l’école, nous devons aller la voir et elle nous donne des images des saints. Des images pieuses elle dit.

Non, rien, à voir avec les Pokémons de maintenant car nous, on ne peut pas échanger St François d’assise ou  Ste Bernadette ! Non, c’est des images de gens qui ont fait des choses bien pour les autres, des gens qui sont bons, des copains à Jésus ou à Dieu. Et au jour de l’an, on lui dit « bonne année » et elle répond toujours « et le paradis à la fin de tes jours ».

Mémère la petite, elle est petite. Petite mais quand elle lève sa canne, ça dégage devant !!

Elle traverse la grande rue en tapant sur le capot des voitures qui arrivent trop vite !

Elle est gentille. Chez elle, on a des gâteaux, toujours, et elle aime qu’on lui raconte notre vie à l’école, nos amis, nos jeux.

Elle est gentille sauf si quelqu’un dit du mal de nous ou nous embête ! Ca, faut pas lui dire car sinon, elle part en guerre, et mémère en guerre, c‘est pire que l’apocalypse de la bible. Ah oui ! Elle parle doucement, avec une petite voix, mais quand elle est en colère, elle dit des mots que même moi je ne connais pas ! Pourtant, mon papa il en dit des gros mots mais ceux de mémère la petite, c’est pire ! Je crois qu’elle peut tuer si on touche aux siens, elle peut tuer en s’excusant auprès du bon Dieu mais quand même !

Nous, on sait que le bon Dieu, du moment qu’on dit au curé ce qu’on a fait, il nous pardonne. Bon, on doit réciter des trucs mais ce n’est pas trop dérangeant car c’est pour être pardonnés. C’est la bénédiction elle dit mémère.

Et moi, je me dis que c’est quand même pratique.

Papa il dit qu’on l’appelait « cuisse légère »  dans son village quand elle était jeune. Il parait qu’elle avait 17 ans quand elle a eu mon grand père avec un monsieur qui est parti à la guerre et qui est mort. Mais elle est toute fluette mémère, ce doit être pour ça « cuisse légère ».

Après, elle est venue à Nogent avec marraine « l’autre » et son mari, car ils étaient amis et que c’était la guerre à côté de chez eux.

Marraine « l’autre », c’est la marraine de ma maman. C’est « l’autre » parce qu’elle en a deux maman.

La vraie, qu’elle ne voit plus, et celle-ci qui a élevé mon grand père. Alors, c’est  plutôt la marraine de mon grand père mais c’est la marraine à tout le monde quand même.

Oui, elle a élevé mon grand père car Irma avait pas trop la fibre maternelle il parait. Alors…

Marraine l’autre, nous, on la voit souvent car elle est femme de service dans les deux écoles, filles et garçons. Elle nettoie et s’occupe aussi de la cantine. Nous, on n’y va pas à la cantine. On rentre à la maison le midi. Le temps de faire l’aller retour, on n’a pas beaucoup de temps pour manger mais la cantine, c’est pour les pauvres. Nous, on est pauvres mais moins qu’eux. Je  sais pas.

Le mari de marraine l’autre, nous, on l’a pas connu. C’était un héros et il est au cimetière de Nogent dans le mur ou ils sont tous.

Maman elle m’a raconté :

Marraine l’autre et son mari, ils étaient concierges d’un immeuble du boulevard de Strasbourg. Et quand les Allemands ont quitté Nogent, ben les gens leur ont lancé des cailloux, des tomates, de tout. Alors les autres, ils ont tiré dans les gens et le mari de marraine, il a ouvert le porche de l’immeuble pour laisser les gens rentrer se protéger et il a été tué.

Papa il dit que ces gens là, c’est des « résistants » de la dernière heure. Des gens cachés pendant la guerre, qu’ont rien fait, qu’ont obéi aux Allemands mais qui se sentent courageux quand les Allemands s’en vont et qui leur jette des trucs dans le dos. Il dit que le mari de marraine, il est mort pour rien, à cause de l’imbécilité des autres.

Mon papa lui, il a été dans le « marquis » en Bretagne pendant la guerre. Ou le maquis, je sais pas trop bien. Il était dans la résistance en tous cas. On a vu ça à l’école. Non, on n’a pas parlé de mon papa, Il est pas dans le livre mais quand même, il entend plus d’une oreille.

C’est pas beau la guerre. Ca fait peur. Maman elle dit que nous, on a pas à s’inquiéter car aucun président n’aura la folie de refaire ça.

Je sais pas si elle a raison maman…